Votre demande,
concernant ce nouveau traitement « très efficace mais très coûteux »
pour la polyarthrite, se réfère certainement à l’étanercept (Enbrel®),
qui est effectivement à disposition aux USA et en Suisse.
Quelques mots
d’explication tout d’abord. Ce médicament est l’un des inhibiteurs du
Tumor Necrosis Factor (anti-TNF)
étudiés actuellement dans le traitement des polyarthrites sévères résistant
aux autres traitements de fond, et notamment au Methotrexate (MTX).
Dans la genèse de la
polyarthrite, le concept physiopathologique actuel voudrait qu’un événement
initial mal défini déclanche une réponse lymphocytaire qui, par des phénomènes
de cascade, provoque la libération de cytokines, principalement
l’interleukine 1 (IL-1) et le anti-TNF. Les deux sont néfastes pour les articulations.
L’expérimentation
animale a confirmé le rôle central du anti-TNF.
D’où l’idée que, si l’action du anti-TNF pouvait être bloquée, la progression et la sévérité de la maladie
pourraient être fortement réduites.
Plusieurs stratégies
ont été explorées. Les premiers résultats ont été présentés au Meeting
de l’American College of Rheumatology de Boston en novembre 1999, puis au
Congrès de Rhumatologie Pédiatrique de Genève en septembre 2000.
Actuellement, on
utilise en Suisse essentiellement l’Etanercept (Enbrel®), mais seulement dans
des centres spécialisés, avec indications précises, avec l’autorisation
du médecin-conseil de l’assurance-maladie (le prix de revient du médicament
est de l’ordre de 25’000 francs suisses par an !), et encore sous la supervision
du SCQM (Swiss Clinical Quality Management). Ce médicament est administré
en injections sous-cutanées (2 injections de 25 mg par semaine).
L’expérience encore
très courte ne permet pas de porter un jugement définitif. On retient une
efficacité légèrement supérieure à celle du MTX, une efficacité parfois
remarquable et rapide lorsque ces deux médicaments sont associés. Toujours
en raison de ce recul insuffisant, on ignore encore les risques de toxicité
à long terme (risque de réveil d’infections latentes ou même de
tumeur).
L’Enbrel est préparé
par Immunex et commercialisé par Wyeth.
A
cette date, nous ne pouvons pas vous donner de conclusions plus précises, mais
les expériences américaines et Suisses seront confrontées dans un Symposium
qui aura lieu le 22 mars 2001 à Soleure. Après cette date, nous ne manquerons
pas de vous apporter d’autres renseignements.
COMPLEMENT
1
Le colloque du 22 mars 2001,
qui s’est tenu à Soleure a permis de confronter les expériences Suisses et
Américaines sur l’utilisation dans la PR de l’Etanercept (Enbrel®).
L’expérience américaine
est de loin la plus importante : aux Etats-Unis, 100’000 patients ( !)
ont reçu ce médicament (soit 60’000 années/patients) contre seulement 250 en
Suisse (133 sont inclus dans la banque de données de la SCQM).
L’application de ce
traitement était déjà rendue difficile en raison de son prix. On sait
le prix du seul médicament correspond à 25’000 francs suisses par an. Même
si, dans des cas précis, ce traitement est accepté par la Caisse-maladie,
rappelons que 10 % de ce coût sont à la charge du patient. Nous avons appris
lors de ce colloque que la très forte demande ne peut pas être satisfaite
en raison de la difficulté et de la lenteur de la fabrication. Dans cette situation
de pénurie, qui durera probablement deux ans, il est convenu de distribuer
le médicament aux patients qui en reçoivent déjà. L’inclusion de nouveaux
patients ne pourra être faite que si d’autres patients abandonnent cette thérapeutique.
Les spécialistes Suisses,
dans cette situation, recommanderont l’Infliximab (Remicade ®),
autre médicament anti-TNF, pour les patients qui tolèrent le Methotrexate
(MTX), puisque ce médicament ne peut être administré qu’en association avec
le MTX, tandis que l’Etanercept (Enbrel ®)
sera réservé à ceux qui présentent une intolérance au MTX (l’Enbrel peut
en effet être administré seul).
Les recommandations
suivantes ont été énoncées :
- Examen du patient
susceptible d’être inclus dans cette thérapeutique par un service
universitaire de rhumatologie, confirmation de l’indication et choix
de l’anti-TNF (Enbrel ou Remicade), inclusion dans le SCQM.
- Respect des
contre-indications :
- infections aiguës ou chroniques, y compris VIH, hépatite,
histoire de tuberculose, etc.
-
grossesse et allaitement
-
tumeur maligne dans les 5 dernières années
- sclérose en plaques ou signes évocateurs de cette maladie
- Précautions
- pas de vaccin vivant pendant ce traitement
- prudence si le patient reçoit 10 mg en plus de prednisone (risque
infectieux)
-
le traitement doit être interrompu en cas d’infection déclarée ainsi
que pour la période qui précède et suit une intervention chirurgicale (prothèse
par exemple)
- Les réactions au lieu
d’injection (40 à 50 % des cas) sont en général bénignes et diminuent
plutôt avec la répétition des injections
Dans le cadre de la
polyarthrite rhumatoïde, et compte-tenu de ces contre-indications et précautions,
les résultats globaux continuent à être favorables à très
favorables, sur le plan des divers critères cliniques, mais aussi sur la
progression des érosions osseuses.
D’autre
part, des résultats également très prometteurs sont rapportés pour l’arthrite
chronique juvénile, la polyarthrite psoriasique et la pelvispondylite
(maladie de Bechterew).
COMPLEMENT
2
Le traitement par les médicaments
anti-TNF doit être considéré comme le « traitement de pointe » après
échec des autres traitements classiques. Nous ne pouvons pas le recommander
comme traitement initial.
Parmi les traitements de
fond, nous n’utilisons pratiquement plus les sels d’or (qui tenaient le haut
du pavé pendant des décennies). Les anti-malariques ont une efficacité
faible. La Salazopyrine donne de très bons résultats dans certains cas,
avec un fort pourcentage de patients non-répondants.
Le Méthotrexate est
à notre avis le médicament de fond classique qui reste le plus maniable, en
pratique ambulatoire.
Tous
ces médicaments sont peu coûteux en eux-mêmes. Mais ils nécessitent des
contrôles médicaux et biologiques réguliers. |